Dans un contexte où les réglementations environnementales se renforcent et où les bâtiments tertiaires sont de plus en plus scrutés pour leur performance énergétique, la question de l’empreinte carbone des équipements CVC devient centrale. Parmi eux, les centrales de traitement d’air occupent une place stratégique : elles interviennent à la fois sur la qualité de l’air intérieur, le confort thermique et la consommation énergétique du bâtiment. Pourtant, lorsqu’on parle de « CTA durable », on réduit trop souvent le débat au seul rendement ou à l’efficacité du ventilateur.
Pour comprendre où se situent réellement les leviers de décarbonation, il faut regarder plus loin : l’analyse du cycle de vie (ACV). De la fabrication des composants à l’exploitation, en passant par la maintenance ou la fin de vie, chaque étape a un poids carbone spécifique, parfois contre-intuitif. Et c’est justement là que l’ACV révèle une vérité essentielle : les plus grands gains ne se situent pas toujours là où l’on pense.
Dans cet article, nous allons explorer comment se répartissent les impacts carbone d’une centrale, quels composants sont les plus contributifs, et surtout quels leviers permettent, en pratique, de réduire significativement l’empreinte environnementale d’une installation existante comme d’un projet neuf.
L’ACV, une vision globale, bien au-delà du rendement
L’analyse du cycle de vie (ACV) permet d’évaluer l’empreinte carbone totale d’une CTA depuis l’extraction des matières premières jusqu’à sa fin de vie. Contrairement à l’approche classique—centrée sur la consommation électrique en exploitation, l’ACV offre un regard plus complet en intégrant les matériaux (acier, aluminium, cuivre, plastiques, isolants), la fabrication (usinage, assemblage, transport), l’exploitation (énergie consommée, maintenance, remplacement de composants) et enfin, la fin de vie (démantèlement, recyclage des métaux et isolants).
Cette méthodologie met souvent en évidence que les idées reçues sont nombreuses : certaines étapes pèsent très peu, quand d’autres concentrent l’essentiel des impacts.
Où se situe réellement l’empreinte carbone d’une CTA ?
Les travaux récents réalisés sur des centrales de traitement d’air de gabarits variés convergent : l’exploitation est de loin la phase la plus carbonée, loin devant la fabrication.
La phase d’exploitation constitue le véritable “point chaud” carbone car en moyenne, 60 à 80 % de l’impact carbone total d’une CTA provient de son utilisation. Parce que le ventilateur, les batteries, et les systèmes de régulation fonctionnent parfois 6 000 à 8 000 heures par an (1).
La moindre dérive de pression ou de rendement a un effet amplifié. Par exemple, un ventilateur mal calibré ou un filtre encrassé augmente la consommation d’énergie. Une régulation mal réglée a pour conséquence un débit inutilement élevé. Un échangeur mal maintenu provoque des pertes thermiques et une surconsommation.
C’est donc ici que se cachent les gains les plus significatifs.
Quant à la fabrication, elle a un impact moins élevé mais stratégique. Elle représente en moyenne 15 à 25 % de l’empreinte. Les postes les plus contributifs sont : l’acier de la structure et des panneaux, les échangeurs (cuivre et aluminium), l’isolation et les ventilateurs. L’impact est ponctuel, mais il reste non négligeable. Chez Swegon, nous avons fait le choix d’utiliser l'acier avec un ratio d'au moins 75 % de contenu recyclé. Celui-ci a été transformé uniquement à l'aide de fours à arc électrique fonctionnant avec de l'énergie renouvelable. Le résultat est un acier avec une empreinte carbone nettement réduite par rapport à l'acier traditionnel, permettant ainsi une diminution notable du carbone incorporé.
En parallèle, nos efforts se portent aussi sur des actions de retrofit, plus vertueux qu’un remplacement complet tant que l’enveloppe de la CTA reste en bon état.
Enfin, la fin de vie représente souvent moins de 5 % de l’impact total (2). Cependant, la valorisation des métaux peut générer un crédit carbone intéressant, surtout pour les échangeurs.
Optimiser l’exploitation, un gain puissant
C’est la partie la plus efficace car elle s’applique à chaque heure de fonctionnement. Les actions les plus impactantes :
- Remplacement des ventilateurs par des modèles haut rendement (EC plug-fans)
- Optimisation des pertes de charge (filtres, réseaux, géométrie interne)
- Réglage fin de la régulation (débit variable, consigne ajustée, horloge)
- Maintenance proactive pour éviter les dérives de rendement
- Maintenance et suivi via des services digitaux : supervision en temps réel, alertes automatiques, réduction des déplacements de maintenance
C’est typiquement la zone où un audit technique révèle des économies énergétiques de 10 à 40 %, donc un gain carbone immédiat (3).
Une CTA performante peut rapidement perdre en efficacité si elle n’est pas suivie. Installer une régulation communicante ou une supervision permet de :
- Détecter une hausse de pression anormale
- Éviter des dérives de débit
- Ajuster automatiquement les paramètres selon l’occupation
- Documenter les gains carbone réalisés
Le suivi est donc une garantie de performance et de pérennité carbone.
L’ACV remet les priorités à leur place
L’analyse du cycle de vie montre que l’impact carbone d’une CTA ne se joue pas où on l’imagine spontanément. Le vrai enjeu n’est pas de changer pour changer, mais d’optimiser, ajuster, moderniser.
Le retrofit, l’efficacité en exploitation et le pilotage intelligent constituent de loin les leviers les plus puissants. Le retrofit consistant à moderniser la CTA existante plutôt qu’à la remplacer permet d’éviter la phase de fabrication et de facto, les performances en exploitation sont fortement améliorées. Ce double bénéfice place le retrofit comme la solution la plus durable dès lors que l’enveloppe reste saine. Enfin, le pilotage, l’entretien et le suivi constituent également des leviers puissants à ne pas négliger.
En savoir plus sur le retrofit des centrales des traitement d'air GOLD
(1) Nyman & Simonson (VTT Research, 2004) - Life-Cycle Assessment (LCA) of Air-Handling Units With and Without Air-to-Air Energy Exchangers
(2) MDPI (2020) — Detailed Assessment of Embodied Carbon of HVAC Systems
(3) Eurovent — LCC & Energy Efficiency Guidelines (CTA / Ventilation)