La dernière révision de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD) va bien au-delà d’une simple mise à jour réglementaire : elle marque un changement profond dans la manière dont l’Europe aborde la durabilité du cadre bâti.
Notre expert, Mikael Börjesson, Directeur des Affaires Publiques, explique comment l’élargissement du champ d’application de cette directive met désormais en avant la qualité de l’environnement intérieur et souligne que l’efficacité énergétique ne peut plus se faire au détriment du confort et du bien-être des occupants.
Une directive en pleine évolution
Depuis sa première version en 2002, la directive EPBD a connu plusieurs révisions majeures — en 2010 et 2018, dans le cadre du Paquet Énergie Propre. Ces évolutions imposaient notamment aux États membres de développer des stratégies de rénovation à long terme.
La dernière refonte, désormais désignée sous le nom EPBD 2024/1275, va encore plus loin : elle prévoit que tous les nouveaux bâtiments européens soient à zéro émission d’ici 2030, et que tous les bâtiments publics atteignent cet objectif dès 2027.
Jusqu’ici, l’accent était principalement mis sur l’efficacité énergétique. Désormais, la directive élargit sa portée pour intégrer une vision plus complète de la durabilité, incluant des exigences légales concernant la qualité de l’environnement intérieur (QEI) et des obligations d’inspection renforcées. Autrement dit : les mesures de réduction de la consommation d’énergie ne peuvent plus compromettre la qualité du climat intérieur ni la santé des occupants.
Une définition élargie des systèmes techniques du bâtiment
La notion de « systèmes techniques du bâtiment » s’enrichit également. Jusqu’ici limitée au chauffage, au refroidissement et à la ventilation, elle inclut désormais un ensemble beaucoup plus large de technologies, comme :
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La production d’énergie renouvelable sur site, incluant les systèmes thermiques (comme le solaire thermique), et pas seulement électriques.
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Le stockage d’énergie, qu’il s’agisse de batteries, de stockage thermique ou de systèmes géothermiques.
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Les systèmes d’automatisation et de contrôle du bâtiment (BACS), dotés de nouvelles fonctionnalités avancées.
La qualité de l’environnement intérieur au premier plan
Jusqu’à présent, la qualité de l’environnement intérieur servait surtout de concept d’équilibre dans le débat sur l’efficacité énergétique.
Les acteurs de l’industrie, du monde académique et de la santé s’accordaient déjà sur un point : la température, l’humidité et la qualité de l’air influencent directement le bien-être et la productivité.
Pour la première fois, la directive définit officiellement la QEI comme :
Le résultat d’une évaluation des conditions à l’intérieur d’un bâtiment influençant la santé et le bien-être de ses occupants, basée sur des paramètres tels que la température, l’humidité, le taux de ventilation et la présence de contaminants.
Mais au-delà de la définition, c’est un véritable tournant réglementaire : la surveillance et le contrôle de certains paramètres de la qualité de l’air intérieur deviennent obligatoires. Les nouveaux bâtiments comme les rénovations devront désormais intégrer des mesures garantissant un climat intérieur sain et confortable.
Cette évolution consacre ce que la recherche et les acteurs les plus progressistes défendent depuis des années : allier performance énergétique et bien-être humain.
De nouveaux critères d’inspection
Les principes de suivi et d’inspection évoluent eux aussi, avec un champ d’application élargi et des exigences plus précises :
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Seuil : puissance minimale de 70 kW (chauffage + refroidissement combinés).
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Fréquence : au moins tous les 5 ans pour les petits bâtiments, et tous les 3 ans pour les plus grands.
Éléments supplémentaires d’évaluation :
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Qualité de l'air intérieur
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Équilibrage hydraulique
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Potentiel de fonctionnement à basse température
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Intégration des énergies renouvelables
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Ces exigences ne relèvent pas uniquement de la conformité : elles établissent un cadre garantissant que la transition vers des bâtiments bas carbone ne néglige pas le confort des occupants.
Vers une nouvelle ère pour le bâtiment
Ce tournant n’a rien d’une surprise pour le secteur : le bâti représente 40 % des émissions mondiales de CO₂. En conjuguant efficacité énergétique et qualité de l’environnement intérieur, la directive pousse l’ensemble de la filière à adopter une approche plus globale et durable de la performance.
Elle devrait également stimuler l’innovation, en particulier dans les domaines de l’automatisation, des systèmes intelligents et de la numérisation — leviers essentiels pour réduire la dépendance énergétique tout en assurant un climat intérieur optimal pour les occupants.